Je n'arrive pas à résister à publier un extrait du prologue de
détours de folie. Il s'agit évidemment d'un premier jet mais malgré tout j'en suis assez satisfaite...
Enjoy
« bang »
Un
bruit métallique résonna dans l’étage. La silhouette loqueteuse allongée sur le
sol ouvrit les yeux. Quelques minutes s’écoulèrent avant que sa vision ne
s’adapte à l’obscurité. Même si elle y était habituée, après avoir passé quinze
années dans cet enfer, chaque réveil constituait un dur retour à la réalité.
« bang »
Puis
rien.
Habituellement,
ces sons étaient suivis par des cris des locataires infortunés de l’étage. Mais
pas aujourd’hui. L’ombre frissonna. Ses geôliers s’amusaient souvent à jouer
avec les nerfs des détenus comme elle... Souvent, cela annonçait le pire. Ce
qui avait été une femme sybille se redressa lentement contre le mur froid,
avant de se recroqueviller sur elle-même. Ses mains effleurèrent les nombreuses
cicatrices qui ornaient ses avant-bras. Chacune représentait des instants que
la silhouette aurait voulu oublier.
« bang »
Encore.
Elle
jeta un regard tremblant au dehors de sa cellule. Personne ne semblait s’en
approcher. Bonne nouvelle pour toi,
lui souffla une voix rauque dans sa tête. La femme soupira. L’Autre, comme elle
l’appelait, venait de se réveiller. Quinze ans en enfer ne laissaient pas la
raison indemne. Surtout dans son cas.
La
silhouette sursauta soudainement. Des bruits de pas et de voix se
rapprochaient. Ou peut être pas
finalement, ricana la voix.
Tais toi donc ! lui répliqua-t-elle.
—
Vraiment ?
—
Ce
sont les ordres... ça m’ennuie mais il faut bien le faire un jour ou l’autre.
Les
deux hommes qui parlaient n’avaient pas encore pénétré dans son champ de
vision. Cependant, elle savait qu’ils appartenaient à l’Ordre Noir, la police
politique de l’empire Sérygien. Avant, elle avait l’autorité pour qu’ils lui
obéissent...
Avant.
Quinze
ans avant.
Quand
elle était encore Haute Capitaine impériale.
La
silhouette se laissa glisser sur le sol immatériel en songeant à ces souvenirs
bien douloureux. Elle n’était plus qu’une traitre abandonnée depuis des années
dans une prison. Rien de plus.
La
femme arrêta de bouger. Allongée comme elle était, n’importe qui pouvait croire
à sa mort. Cette technique lui avait évité bien des souffrances ces dernières
années. En même temps, tu es presque un
cadavre... La sybille ne releva pas le commentaire de l’Autre. Elle
s’intéressait à la conversation entre les geôliers qui venaient de s’arrêter
devant sa cellule.
—
Regardes,
de toute façon elle est morte... Remarque, ça ne m’étonne pas après tout ce
qu’ils lui ont fait...
—
J’espère
bien... En tout cas, je n’entre pas, même pour vérifier qu’elle a rejoint
Brianne. Elle m’a toujours foutu la trouille cette folle... Et dire qu’un jour
elle a fait partie du conseil de l’empereur... Je me demande bien comment.
La
silhouette se garda bien de répondre. Dans son ancienne vie, elle arrivait à
contrôler son autre personnalité grâce, en l’occurrence, aux progrès de la
science. Mais l’emprisonnement et les tortures avaient accentué la folie qui
l’affectait.
—
Ce
n’est pas une raison ! Ouvres cette porte qu’on en finisse. Moi aussi elle
me faisait peur avant. C’était une sorte de monstre mais maintenant c’est plus
grand-chose.
Ils ont raison tu
sais ?
Ferme-la un peu ! Cria la sybille
mentalement.
Elle
voulait comprendre la tournure que prenaient les évènements.
—
De
toute façon, poursuivit le garde qui venait de parler, tu n’as pas le choix. Je
suis ton supérieur hiérarchique maintenant... Tu dois obéir à mes ordres. Ouvre
cette porte et dépêche-toi !
Le
second geôlier sortit un petit objet de sa poche. Une carte magnétique, devina la sybille. Pourtant, elle ne
comprenait pas ce qui se passait. Pourquoi voulaient-ils ouvrir la porte de sa
cellule ? La femme continua à se faire passer pour un cadavre. Peut être ne remarqueront ils pas la
différence ? Espéra-t-elle, tandis qu’un rire mental résonnait dans sa
tête.
« bang »
La
prisonnière saisit enfin l’origine du bruit. Il s’agissait du son qui
retentissait lorsqu’on déverrouillait les portes des cellules spéciales comme
la sienne. A force de ne plus l’entendre, elle avait fini par presque en
oublier l’origine. Mais pourquoi laissaient-t-ils toutes les issues
ouvertes ?
—
C’est
bien... Maintenant va voir dans quel état elle est...
—
Mais...,
commença le second.
—
Mais
rien ! Tu ne risques rien ! s’emporta son supérieur. Et puis même si
elle était encore vivante, elle ne pourrait même pas de faire du mal. Après le
traitement qu’elle a subi je pense qu’elle ne doit même plus avoir assez de
force pour utiliser son pouvoir...
Ils n’ont pas tort...
C’est bien dommage, je les aurais bien tués, déclara l’Autre avec passion.
La
sybille savait bien qu’il avait en partie raison. Mais à force d’espérer, elle
avait fini par économiser ses forces... En vue d’un tel jour par exemple.
Le
second garde entra dans la cellule spéciale. Ici, pas d’objets matériels sur
lesquels le pouvoir de la prisonnière pouvait fonctionner. Même au bout de
quinze ans, elle ne comprenait toujours pas comment cela était possible. Il
s’approcha d’elle, tandis qu’elle réduisait son rythme cardiaque et son souffle
au plus bas. La sybille espérait juste que l’Autre ne réagisse pas à cet
instant. Il pouvait parfois la trahir sans le faire exprès. Le garde sortit son
scanner corporel et lança un test. L’appareil émit un bip court suivit d’un
second, plus long.
—
Elle
agonise, déclara l’homme dans la cellule. Vu son état, elle ne peut même plus
se lever. Elle ne passera pas la nuit !
Son
collègue acquiesça et lui fit signe de sortir. Les gardes reprirent leur
conversation et leur tournée, tandis que la femme esquissa un sourire. Elle
réservait ses forces pour la suite.
Ils
avaient laissé la porte déverrouillée.
Ouverte !
La
sybille connaissait parfaitement les horaires des rondes. Une fois les gardes
assez éloignés, elle se leva péniblement et se força à ne pas vaciller. Elle
n’avait pas souvent l’habitude de ce genre d’exercice. La femme sortit. Elle avait
exactement vingt minutes avant que son absence ne soit signalée et qu’on lui
envoie des membres expérimentés de l’Ordre Noir. Autant dire que ce n’est pas le moment de tarder, songea-t-elle.
L’Autre approuvait. Au moins, il ne
tentera pas de me contrer cette fois.
La
femme se précipita vers la sortie du couloir. Elle s’arrêta juste devant la
porte précédant les escaliers et y pénétra. C’était la réserve d’armes de l’étage.
Les gardes avaient du aussi déverrouiller la porte. Tant mieux, je n’aurais pas besoin de consommer mes forces avec mon
pouvoir... La prisonnière s’empara d’une ceinture munie de deux pistolets à
éléments, ainsi que des recharges nécessaires à leur fonctionnement et d’une
veste de l’Ordre. Elle ne s’attarda pas plus longtemps et se précipita dans les
escaliers. Pour avoir visité plusieurs fois cette prison, elle savait
parfaitement où se trouvait la sortie.
Ou
plutôt où se trouvaient les objets qui lui permettraient de s’évader.
Elle
avait trois étages à descendre en vitesse. La femme s’élança malgré sa
faiblesse. Fais attention, tu risques d’y
laisser la peau, ricana la voix de l’Autre.
Au moins j’aurais la
satisfaction de ne pas être morte dans cette cellule, répliqua-t-elle. La
sybille savait que son double avait raison. Pourtant, la probabilité qu’elle
s’en sorte vivante de cette évasion n’était pas nulle. La femme dévala les escaliers
et poussa la porte qui la menait vers l’étage dédié à la magie. Malgré les
progrès de la science, certains membres de l’Ordre préféraient l’utilisation
des Arcanes... La prisonnière s’aventura dans le couloir, à la recherche d’un
entrepôt particulier. Dans sa course, elle commença à vaciller. Arrêtes de faire capoter notre évasion,
lui hurla l’Autre avec mépris. Tu n’es
qu’une faible. Pas étonnant que tu te sois fait capturer !
Elle
ne répondit pas, réservant ses forces pour la suite.
Soudain
la sybille aperçut enfin la porte.
Un
membre de l’Ordre occupa au même instant son champ de vision. Le temps qu’il
comprenne qui elle était, la prisonnière avait déjà tiré. L’énergie pure qui se
dégagea de ses armes frappa son ennemi en pleine tête. Il allait mourir. La
Haute Capitaine aurait prononcé une excuse et se serait arrêtée un instant, par
culpabilité. Mais la femme qu’elle était devenue se baissa seulement pour
récupérer le passe de l’homme avant de continuer son chemin. Ils ont aussi réussi à m’enlever cette part
d’humanité... Elle courut vers la porte et l’ouvrit en utilisant la carte
du garde. Il ne fallait pas qu’elle tarde. Après ce qu’elle venait de faire,
son temps devait être réduit de plus de la moitié. Les membres de l’Ordre
allaient débarquer dans moins de cinq minutes. La sybille se dépêcha de
fouiller les étagères poussiéreuses. Dans cet entrepôt, gisaient une multitude
d’objets magiques. Elle cherchait une pierre bien particulière.
Son
regard tomba vite dessus. Un cristal octaédrique, rouge sombre, tel un grenat.
Mais peu importait sa forme. La magie qu’il renfermait représentait un ticket
de sortie pour la prisonnière. Elle attrapa un objet lourd dont elle n’arriva
pas à déterminer la nature et le balança contre la fenêtre de l’entrepôt. La
vitre vola en éclat. La sybille s’était déjà détournée et concentrait la force
qui lui restait.
Plus vite ! Braya son double
dans sa tête. Ils arrivent ! Tu sais
que c’est notre seule et unique chance de fuir ! Mais si tu échoues, sois
sure que la souffrance qu’ils te feront endurer ne sera rien par rapport à ce
que je te ferais subir !
La
haine de l’Autre grandissait toujours plus. Pourtant la femme ne prit pas le
temps de s’y attarder. Elle réunit soudain toute l’énergie dont elle avait
besoin. La sybille prit une grande inspiration et concentra cette force dans sa
main qui tenait le cristal. Elle projeta le pouvoir dans l’objet et déclencha
la magie qu’il renfermait.
Un
immense oiseau apparut au dehors, tandis que la pierre s’évaporait entre ses
doigts. La prisonnière essoufflée utilisa ses dernières forces physiques pour
sauter sur l’apparition.
Elle
était enfin dehors !
Le
soleil lui brulait les yeux après avoir passé tant d’années dans le noir.
Pourtant ce n’était qu’on désagrément minime. Elle commanda à l’oiseau de voler
vite. La femme se retourna brièvement et aperçu les gardes à la fenêtre. Elle
n’entendait pas ce qu’ils disaient mais elle le devinait. Il fallait qu’elle
s’éloigne loin, dans un endroit peu fréquenté par l’Ordre.
Au
bout de quelques minutes, la sybille prit conscience de ce qui arrivait. Pour
la première fois depuis quinze ans, elle respirait l’air pur du dehors.
Nermie Nero était libre !